La Cour administrative d’appel de Nantes a récemment été conduite à faire application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail relatives aux effets d’un changement de titulaire d’un marché public sur les contrats de travail en cours (CAA Nantes 29 septembre 2017, n° 15NT03895).
Une entreprise de restauration collective et de vente de plats cuisiné avait embauché une salariée par un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein. Dans le cadre d’un marché conclu avec un centre communal d’action sociale (CCAS), elle avait notamment en charge la livraison de repas auprès de personnes inscrites sur une liste fournie par ce dernier. Au terme d’une procédure d’appel d’offres, le marché a été attribué à un autre prestataire. Le titulaire sortant a souhaité transférer le contrat de travail de ladite salariée à l’opérateur économique entrant, sur le fondement des dispositions législatives précitées. La salariée détenant les mandats de membre titulaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de membre suppléant de la délégation unique du personnel, le titulaire sortant a sollicité l’inspecteur du travail qui lui a refusé l’autorisation de transfert.
La Cour rejette la requête du titulaire sortant tendant à l’annulation de cette décision de refus.
L’article L.1224-1 du code du travail dispose : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Conformément à une jurisprudence établie, cette disposition ne s’applique qu’en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur.
La Cour rappelle que « constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif économique propre ; le transfert d’une telle entité ne s’opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ».
En l’espèce, la Cour considère que si la confection des repas était réalisée au sein d’une des cuisines centrales du titulaire sortant, « aucun moyen ou organisation spécifiques n’a été mis en œuvre pour constituer une entité distincte et détachable des activités de production et de service qu’elle [effectuait] auprès d’autres clients ; que, de plus, [il] n’a sollicité le transfert des contrats de travail (…) que pour les deux seuls salariés (…) affectés à la livraison des repas ; qu’il est constant que Mme D…, qui a été embauché à temps plein, sur un contrat à durée indéterminé, ne consacrait pour la livraison des clients du CCAS que trois heures de travail environ sur les sept heures quotidiennes et qu’aucun moyen matériel d’exploitation, en particulier les camions frigorifiques, n’a été transféré au profit de [l’opérateur économique entrant] alors qu’au surplus, la seule affectation de salariés à l’exécution d’un marché ne suffit pas à caractériser une entité économique autonome. »
En règle générale, l’attribution d’un marché public n’emporte pas application des dispositions précitées de l’article L.1224-1 du code du travail. Il en va différemment en matière de délégation de service public. Dans certaines branches d’activité, les partenaires sociaux ont toutefois convenu que, à défaut d’application de ces dispositions légales, le transfert des contrats de travail pourrait être opéré conventionnellement.