Exclusion d’un opérateur économique d’une procédure de commande publique
Par un arrêt du 16 février 2024, n°488524, le Conseil d’État poursuit sa construction prétorienne en matière d’exclusion des opérateurs économiques d’une procédure de commande publique.
Un acheteur public peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui ont entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel de l’acheteur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché.
L’acheteur qui envisage ainsi d’exclure une personne doit la mettre à même de fournir des preuves qu’elle a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement des candidats. La personne établit notamment qu’elle a, le cas échéant, entrepris de verser une indemnité en réparation des manquements énoncés, qu’elle a clarifié totalement les faits et les circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et qu’elle a pris des mesures concrètes propres à régulariser sa situation et à prévenir toute nouvelle situation mentionnée aux articles L. 2141-7 à L. 2141-10 du code de la commande publique. Ces mesures sont évaluées en tenant compte de la gravité et des circonstances particulières attachées à ces situations. Si l’acheteur estime que ces preuves sont suffisantes, la personne concernée n’est pas exclue de la procédure de passation de marché.
Le Conseil d’État a déjà jugé que les acheteurs peuvent exclure de la procédure de passation d’un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur (CE, 24 juin 2019, n°428866 pour un marché public ; CE, 24 mars 2022, n°457733, pour un contrat de concession). Cette jurisprudence apparaît avoir été validée dernièrement par la CJUE (CJUE, 21 décembre 2023, aff. C-66/22).
Dans la présente décision, le Conseil d’État ajoute que l’acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer l’exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans et lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation.
Les même faits pourraient donc justifier successivement et pendant trois ans une exclusion facultative, s’ils n’ont pas encore été définitivement et pénalement sanctionnés, et une exclusion obligatoire dès lors qu’ils auront fait l’objet d’une sanction pénale définitive.
Enfin, le Conseil d’État a jugé qu’il ne suffit pas au candidat d’établir que la personne reconnue coupable de faits de corruption active par une juridiction n’a plus la qualité de gérant. Elle doit établir que cette personne, qui détient toujours un pouvoir de contrôle de cette société en sa qualité d’associé majoritaire, ne peut plus s’immiscer dans sa gestion.