Transfert d’un salarié protégé vers le secteur public et licenciement
Aux termes de l’article L. 1224-3 du code du travail, relatif à la reprise, par une personne publique gestionnaire d’un service public administratif, d’une activité exercée jusque-là par une personne employant des salariés de droit privé :
« Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.
Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les services accomplis au sein de l’entité économique d’origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d’accueil.
En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. »
Dans un dossier dont a eu à connaître le Conseil d’Etat le 6 juin 2018, une enseignante, déléguée du personnel d’une association, s’est vue proposer, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, un contrat de droit public par une personne publique.
Estimant que ce contrat apportait des modifications substantielles à son contrat de travail antérieur, elle a refusé de le signer.
La personne publique a saisi l’inspection du travail d’une demande d’autorisation de licenciement, lequel a été autorisé.
Le tribunal administratif saisi a annulé cette décision au motif que l’inspecteur du travail n’était pas compétent pour connaître d’une telle demande d’autorisation. La cour administrative d’appel saisie a annulé ce jugement aux motifs qu’il n’appartenait pas à l’inspecteur du travail de contrôler, soit que le contrat proposé reprenait les clauses substantielles du contrat de l’intéressée avec l’association, soit que des dispositions légales ou les conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la fonction publique y faisaient obstacle, et rejeté la demande de l’enseignante.
Le Conseil d’Etat a considéré, sur le fondement des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail, interprétées à la lumière de l’article 4 de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 qu’elles transposent, que dans le cas où la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé résulte de son refus d’accepter le contrat qu’une personne publique lui propose en application dudit article L. 1224-3, cette rupture doit être regardée comme intervenant du fait de l’employeur.
Le Conseil d’Etat a ensuite rappelé que le licenciement, du fait de l’employeur, d’un salarié légalement investi de fonctions représentatives, ne doit pas être en rapport avec ces fonctions, dès lors qu’elles sont normalement exercées, ou avec l’appartenance syndicale de l’intéressé.
Il a ajouté que pour refuser l’autorisation sollicitée, l’autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d’intérêt général relevant de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité, sous réserve qu’une atteinte excessive ne soit pas portée à l’un ou l’autre des intérêts en présence.
Il en résulte, pour le Conseil d’Etat, que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé, qui fait suite à son refus d’accepter le contrat qu’une personne publique lui propose en application des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail, est soumise à l’ensemble de la procédure prévue en cas de licenciement d’un salarié protégé et est, dès lors, subordonnée à l’obtention d’une autorisation administrative préalable.
A ce titre, il appartient à l’inspecteur du travail ou, le cas échéant, au ministre chargé du travail, saisi par la voie du recours hiérarchique, de vérifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’une part, que les conditions légales de cette rupture sont remplies, notamment le respect par le nouvel employeur public de son obligation de proposer au salarié une offre reprenant les clauses substantielles de son contrat antérieur sauf si des dispositions régissant l’emploi des agents publics ou les conditions générales de leur rémunération y font obstacle, d’autre part, que la mesure envisagée n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale et, enfin, qu’aucun motif d’intérêt général ne s’oppose à ce que l’autorisation soit accordée.
CE, 6 juin 2018, n°391860