Annulation d’un marché public pour absence d’habilitation à délivrer des consultations juridiques

 Dans Droit des Collectivités Locales, Marchés publics

Par un jugement en date du 21 mars 2018, le Tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande du Conseil National des Barreaux (CNB), un marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage attribué par une communauté de communes à un bureau d’étude intervenant en sous-traitance avec un cabinet d’avocat (TA Nantes, 21 mars 2018, n°1508103).

Les faits
En vue de la passation d’un marché public portant sur la collecte, le transport et le traitement des déchets issus de cinq déchetteries et d’un point de collecte, une communauté de communes a lancé une procédure de consultation portant sur une prestation d’assistance technique, juridique, administrative et financière. Le marché a été attribué à un consultant, mais résilié à la demande du CNB au motif que l’article 2.5 du règlement de la consultation avait été méconnu dès lors que le candidat retenu ne justifiait pas respecter les dispositions de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

La communauté de communes a alors entrepris une seconde consultation, selon la procédure adaptée de l’article 28 du code des marchés publics, qu’elle a intitulé « demande de devis ». Cette nouvelle consultation a recueilli les offres de trois candidats et, par un acte d’engagement du 18 août 2015, le marché a été attribué à un consultant qui s’est adjoint les services d’un cabinet d’avocats.

Par un courrier du 3 juillet 2015, le Conseil National des Barreaux a de nouveau informé le président de la communauté de communes de l’irrégularité du marché à avoir retenu ce consultant, en ce qu’il n’était pas un professionnel du droit et ne justifiait pas disposer d’un agrément l’autorisant à délivrer des consultations juridiques.

La décision

Le Tribunal administratif de Nantes a constaté que le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage en cause consistait en une « mission d’assistance technique, juridique, administrative et financière pour la passation d’un marché de collecte, transports et traitement de déchets » et que le règlement de la consultation prévoyait que le titulaire se verrait confier l’établissement du dossier de consultation des entreprises (assistance au choix de la procédure de passation, rédaction de l’avis d’appel public à la concurrence, du règlement de la consultation, du CCAP) et aurait une mission d’assistance à l’analyse des candidatures et des offres, d’assistance à la négociation et de mise au point du marché.

Il a également constaté que l’article 2.5 du règlement de la consultation indiquait que : « Pour l’exécution des prestations juridiques, le candidat devra être en mesure de justifier qu’il respecte les dispositions de l’article 54 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques par l’un des moyens suivants : – disposer en interne de la compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d’actes juridiques ; – ou répondre en groupement d’entreprises avec une structure disposant de la compétence précitées ». L’article 2.5.1 du règlement de la consultation précisait que : « les prestations juridiques couvertes par les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ne doivent pas faire l’objet d’un contrat de sous-traité ».

Le Tribunal a considéré qu’eu égard à son objet et aux stipulations précitées du règlement de la consultation, ce marché entrait dans le champ d’application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en son titre II relatif à la réglementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d’actes sous seing privé.

Il a jugé que « des prestations juridiques ne peuvent être délivrées que directement par les professionnels qui disposent des qualifications requises par l’article 54 précité de la loi du 31 décembre 1971, ce qui implique qu’ils soient cotraitants du marché à l’exécution duquel ils doivent participer et donc qu’ils signent l’acte d’engagement« .

En l’occurrence, il résultait de l’instruction que la lettre du 18 juin 2015  par laquelle la communauté de communes avait informé l’un des trois candidats du rejet de son offre, indiquait que le marché avait été attribué à la société A. G. ; que l’offre présentée par la société attributaire, le 13 mai 2015, mentionnait proposer « l’assistance du cabinet d’avocats D. C. pour procéder à une relecture juridique de l’ensemble des pièces du dossier de consultation des entreprises (…) et une relecture du rapport d’analyse des offres », se bornant à indiquer « nous disposons de nombreuses références avec ce cabinet et donc, d’habitudes de travail, ce qui nous permet une réactivité dans nos échanges », et joignait en annexe le curriculum-vitae de Me L., avocat au barreau de Paris.

Dans ces conditions, et en dépit de ce que, postérieurement à la décision d’attribution du marché litigieux, une lettre de candidature a été présentée par un groupement conjoint constitué de la société Antéa France, attributaire, et du cabinet d’avocats D. C., co-signée les 31 juillet 2015 et 6 août 2015, et de ce que l’acte d’engagement du 18 août 2015 attribuait le marché à ce groupement conjoint, Le Tribunal a considéré que le contrat était entaché d’un vice affectant la licéité de l’objet même du marché, constituait une illégalité d’une particulière gravité et qu’il y avait lieu d’en prononcer l’annulation.

dans le même sens : TA Poitiers, 4 juillet 2018, n° 1501814, Conseil National des Barreaux

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