Accueil des gens du voyage

 Dans Ordre public

A la faveur de l’occupation par des gens du voyage des espaces verts d’une zone d’activité tertiaire à Orvault depuis plus d’un mois et pour la deuxième fois en moins de six mois, j’ai pris connaissance de la législation et de la réglementation en matière d’accueil et de stationnement des gens du voyage :

 

 

Pour l’essentiel, le droit s’articule autour des points suivants :

 

  • Un schéma départemental des secteurs géographiques d’implantation et des communes où doivent être réalisés des aires permanentes d’accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage. Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement à ce schéma.

 

Ce schéma est élaboré par le préfet et le président du conseil départemental après avis de l’assemblée délibérante de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné, qu’ils ne semblent pas être tenus de suivre.

Depuis la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, les EPCI sont compétents en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage.

 

  • Le maire d’une commune membre d’un EPCI compétent en la matière, ou le président de cet EPCI, si le maire lui a transféré son pouvoir de police en la matière, peut interdire par arrêté le stationnement sur le territoire de la commune des gens du voyage en dehors des aires d’accueil et terrains familiaux locatifs, dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

 

1° l’EPCI a satisfait aux obligations qui lui incombent en la matière ;

2° l’EPCI bénéficie d’un délai supplémentaire ;

3° l’EPCI dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet ;

4° l’EPCI est doté d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage, sans qu’aucune des communes  qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental ;

5° l’EPCI a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d’une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d’un autre EPCI ;

6° la commune est dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l’EPCI auquel elle appartient n’ait pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.

 

  • En cas de stationnement effectué en violation dudit arrêté, le titulaire du pouvoir de police en la matière, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

 

La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain.

Cette mise en demeure reste applicable lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau, dans un délai de sept jours à compter de sa notification aux occupants, en situation de stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de tout ou partie du territoire de l’intercommunalité concernée en violation du même arrêté du maire ou, s’il est compétent, du président de l’EPCI, et de nature à porter la même atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des gens du voyage, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu’il fixe.

Le fait de ne pas se conformer audit arrêté est puni de 3 750 euros d’amende.

Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de 48 heures à compter de sa saisine.

Par un arrêt du 16 juillet 2020, n°437113, le Conseil d’État a jugé que les dispositions précitées ne sauraient faire obstacle, alors même que les conditions à leur application se trouveraient réunies, à la saisine du juge des référés de conclusions tendant à ce que, sur le fondement de l’article
L. 521-3 du code de justice administrative, l’expulsion d’occupants sans titre du domaine public soit ordonnée.

 

  • En cas d’occupation, en violation dudit arrêté, d’un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, aux fins de faire ordonner l’évacuation forcée des gens du voyage.

 

  • L’article 322-4-1 du code pénal dispose pour sa part que : « Le fait de s’installer en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu à l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ou qui n’est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire autre qu’une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 000 €. Lorsque l’installation s’est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale.»

 

  • En ce qui concerne la réparation des dommages causés par le stationnement illicite des gens du voyage sur un terrain, le propriétaire privé pourrait étudier la possibilité d’engager la responsabilité de la commune ou de l’EPCI compétent en la matière, ou encore de l’État, pour manquement à leurs obligations.

 

En synthèse, la procédure administrative d’évacuation est devenue la procédure de droit commun. Elle a été présentée par le législateur comme une avancée par rapport au droit existant.

A la lecture toutefois de la circulaire NOR : INTD2211273C du 21 juin 2022 du ministre de l’Intérieur relative à la préparation des stationnements des grands groupes de gens du voyage pour l’année 2022, il est permis d’en douter :

«Vous rappellerez enfin aux maires et aux présidents des EPCI que la procédure de mise en demeure et d’évacuation forcée des occupants illicites d’un terrain ne pourra être entreprise qu’en cas de trouble à l’ordre public et au profit des communes :

–      qui appartiennent à un EPCI qui a rempli ses obligations au regard du schéma départemental d’accueil des gens du voyage ;

–      qui sont dotées d’aires et de terrains conformes aux prescriptions du schéma départemental, quand bien même l’EPCI auquel elles appartiennent n’a pas satisfait à l’ensemble de ses obligations. »

Pas de troubles à l’ordre public (atteintes à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques), pas d’intervention !

De même pour le propriétaire d’un terrain privé affecté à une activité à caractère économique : pas d’arrêté du titulaire du pouvoir de police, ou pas d’entrave à l’activité économique, pas d’évacuation forcée !

L’article 17 de Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose pourtant que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

 

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