Inertie du transporteur dans l’élaboration d’un protocole de sécurité
La Cour d’appel d’Amiens a récemment rappelé l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur les transporteurs dans les opérations de chargement et de déchargement (CA Amiens, 20 juillet 2017, n°16/00871).
I – Aux termes des articles R4515-1 et suivants du code du travail, les opérations de chargement ou de déchargement, doivent faire l’objet d’un document écrit, dit « protocole de sécurité », comprenant les informations utiles à l’évaluation des risques de toute nature générés par l’opération ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation.
Pour l’entreprise d’accueil, le protocole de sécurité comprend, notamment, les informations suivantes :
1° Les consignes de sécurité, particulièrement celles qui concernent l’opération de chargement ou de déchargement ;
2° Le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d’accès et de stationnement aux postes de chargement ou de déchargement accompagnées d’un plan et des consignes de circulation ;
3° Les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement ou le déchargement ;
4° Les moyens de secours en cas d’accident ou d’incident ;
5° L’identité du responsable désigné par l’entreprise d’accueil, auquel l’employeur délègue, le cas échéant, ses attributions.
Pour le transporteur, le protocole de sécurité décrit, notamment :
1° Les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ;
2° La nature et le conditionnement de la marchandise ;
3° Les précautions ou sujétions particulières résultant de la nature des substances ou produits transportés, notamment celles imposées par la réglementation relative au transport de matières dangereuses.
Le protocole de sécurité est établi dans le cadre d’un échange entre les employeurs intéressés, préalablement à la réalisation de l’opération.
Les opérations de chargement ou de déchargement impliquant les mêmes entreprises et revêtant un caractère répétitif font l’objet d’un seul protocole de sécurité établi préalablement à la première opération.
Lorsque le prestataire ne peut pas être identifié préalablement par l’entreprise d’accueil ou lorsque l’échange préalable n’a pas permis de réunir toutes les informations nécessaires, l’employeur de l’entreprise d’accueil fournit et recueille par tout moyen approprié les éléments qui se rapportent au protocole de sécurité.
Les chefs d’établissement des entreprises d’accueil et de transport tiennent un exemplaire de chaque protocole de sécurité, daté et signé, à la disposition :
1° Des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des entreprises intéressées ;
2° De l’inspection du travail.
En l’absence d’un protocole de sécurité, ni la négligence du destinataire, ni celle d’un tiers présent sur les lieux et à l’origine de l’accident, sauf peut-être si elles revêtent les caractéristiques de la force majeure, ni l’imprudence du conducteur décédé, ne pourront exonérer le transporteur de ses responsabilités, comme vient de le juger la Cour d’appel d’Amiens.
II – Dans l’affaire soumise à cette dernière, les magistrats ont constaté :
- la rédaction d’un document d’évaluation des risques et des préconisations, « pour le moins indigents » ;
- l’absence de protocole de sécurité ;
- l’absence de démarches du transporteur auprès de l’entreprise d’accueil pour établir ce protocole.
La Cour a considéré que l’accident était directement lié aux opérations de déchargement et que le défaut d’établissement d’un protocole de sécurité constituait une faute inexcusable imputable au transporteur, qui n’avait pas pris l’attache du destinataire pour établir ce protocole, à l’origine directe de l’accident mortel.
III – L’absence de protocole de sécurité est de nature non seulement à fonder la responsabilité contractuelle du transporteur qui ne s’est pas conformé à cette obligation, sur le fondement de l’article 10 du contrat type dit « général », mais aussi et surtout la responsabilité pénale de ce dernier pour homicide ou blessures involontaires, ainsi que sa responsabilité civile pour faute inexcusable comme nous venons de le voir.